Alexandre Bavard
En résidence aux RAVI de juillet à septembre 2024
Alexandre Bavard a consacré ses trois mois de résidence à la poursuite de recherches en cours. Sa série des Radikal Buff qui l’occupe depuis 2021 s’est enrichie d’une suite d’acryliques sur toile produites pour son solo show (ATLAS) à la galerie Ruttkowski;68 de Cologne à partir d’octobre prochain. « Ces tableaux ont comme source des graffitis que je photographie durant mes voyages, explique l’artiste. Ils ne sont pas signés et mes peintures peuvent être comprises comme des hommages aux anonymes qui taguent. Je m’intéresse à leur portée politique. Ils ont à faire avec l’Anarchie, les révoltes : Teach Peace, Your Confort Zone Will Kill You. Time Bomb fait en outre référence au label français de musique rap, ce qui donne écho à la culture à laquelle je m’identifie. » La première occurrence de cette série remonte à janvier 2023 pour une exposition personnelle (BRAV) à la Tick Tack Gallery d’Anvers ; Alexandre Bavard avait travaillé au départ de tags par des gilets jaunes. Depuis la facture a évolué, notamment durant sa résidence aux RAVI. Il y a expérimenté des résolutions plus plastiques en particulier dans le traitement en noir et blanc mais surtout dans les textures que ses techniques d’effacement (Buff) permettent de rendre. L’exercice tient du lâcher-prise et l’artiste avoue s’y perdre bien souvent. Il raconte encore vouloir rejoindre la fluidité formelle du graffiti, sa cursivité et la qualité calligraphique d’une signature qui doit être belle et laisser sentir la maîtrise du tracé.
J’aime beaucoup The Watcher : une « véritable » statue de dieu antique, terrible, barbu et au regard sombre mais qui est chaussé de « claquettes à pas cher » pour quand même avoir l’air cool. Comme The Boxer, Baldo et The Blind Woman produits aux RAVI, il fait partie d’un ensemble de figures humaines « à taille réelle » que l’artiste développe depuis plusieurs années. Ici, Alexandre Bavard a « re-masterisé » des mannequins qu’il a habillé avec ses propres vêtements avant de les fixer avec de la résine pour enfin les peindre au pistolet. On retrouve sa volonté d’établir des protocoles d’exécution qui garantissent de finaliser rapidement ses pièces. « Mes sculptures sont à la fois autobiographiques et fictionnelles. J’y parle de moi ou plutôt de mon ‘moi’ fantasmé. Mais c’est surtout le mix de références entre Antiquité classique et culture populaire d’aujourd’hui qui ressort. Mes personnages ont l’allure de dieux grecs drapés comme il se doit mais coiffé d’une casquette à penne. Ils peuvent aussi porter des chaussures de sport et des gants type ‘Stunt Evo’. Leur allure a quelque chose de celles des superhéros de comics. J’aime leur donner une prestance mystérieuse. Baldo a le visage couvert. The Blind Woman ne montre pas ses yeux. Pour la première fois dans cette série, j’ai peint certaines pièces en noir. J’avais remarqué sous les arcades de la façade de l’opéra de Vienne des figures allégoriques en bronze très foncé. Elles m’ont impressionné par la puissance de leur présence. »
Même genre de synthèse de culture populaire et d’anticomanie pour la suite Neo Archeologia commencée voici 7 ans. Ici encore, il y a un rapport avec le graffiti. Pas toujours mais souvent, les zones en déshérence qu’elle soient urbaines ou industrielles constituent le terrain de jeu des artistes « de la street ». De ses traversées de friches, Alexandre Bavard retient des objets ou des fragments d’objet abandonnés qui parlent des territoires où il erre et qu’il voit comme des temps morts avant la gentrification. Il les intègre dans des compositions en bas-relief de plâtre lesquels reprennent également des bibelots chinés souvent évocateurs de scènes antiques, mais pas seulement : on reconnaît aussi un Roméo et Juliette de brocante et un petit Moïse de Michel-Ange « vite fait mal fait ». Le kitsch s’y mêle au bad taste des archétypes de l’Héroïc Fantasy, le tout parfaitement assumé par l’artiste. Et puis il y a ces couleurs iridescentes. Elles allument littéralement la surface accidentée des pièces et renvoient à l’esthétique surannée des films d’anticipation des années 1990 … façon Dollman d’Albert Pyun avec Tim Thomerson en policier lilliputien mais équipé d’un Kruger Blaster, l’arme de poing la plus puissante de l’Univers.
Pierre Henrion

