Jot Fau
Par les matières ordinaires qu’elle collecte, Jot Fau construit avec les éléments du quotidien. L’art se tisse par sa vie.
Planches de bois trouvées dans la rue, pièces de tissus chinées sur le marché, la terre d’un lieu où elle a flâné, quelques idées qui surgissent, bientôt fixées sur le papier…
Au hasard des matériaux qui se présentent et se suggèrent, ses mains rassemblent le bois, le papier, la terre, le cuir.
L’artiste peuple l’espace de travail avec ces matières réunies. Elles sont déposées là, latentes. Les fréquenter, s’en imprégner puis les imaginer ensemble.
Bien vite la rêverie devient matrice d’une peau nouvelle, elle enclenche un processus. L’oeuvre exhibée en sera la trace.
Par quelques fils, quelques liants, la matière prend langage sous les doigts de l’artiste. Le papier se couvre de dessins, le bois se construit en sculpture ou bien devient
l’ossature d’un canoë pour la chasseuse, le cuir recouvre des objets ou bien se tisse en vêtement. Toutes ces pratiques visent à l’élaboration d’une nouvelle figure.
Elles amènent une naissance.
Sur le visage se peint un costume, le vêtement qui parle son usage. Observer le justaucorps de Veronica Ackerfeldt parle de son travail.
La vidéo et la photographie ont fonction de témoignage. Veronica Ackerfeldt se compose sous nos yeux. L’histoire qu’elle nous raconte et qui se raconte à travers les objets
qui l’accompagnent lui sont tout à fait personnel. The Singers Project se construit de la même façon. Le corps de l’artiste se dissimule dans le réel en en utilisant les codes.
Créer un personnage ou une figure aux objets, c’est pratiquer une ouverture. La peau nouvelle dit une histoire nouvelle, elle transforme le corps ou l’objet qu’elle travaille.
Dans la série Métamorphose, le corps de l’artiste épouse les choses, il s’insère dans le paysage pour disparaitre. Le corps (se) tisse des peaux de caméléon.
Dans The Hunters Project, il fond ostensiblement sa matière dans le paysage. Il se pénètre de la necessité du lieu : les outils de la chasse mais également du camouflage.
Alors que la chasseuse s’enterre pour épier, la terre devient peau et respire. Lorsque Jot Fau transforme son enveloppe, elle s’insère dans l’étrangeté.
Elle renouvelle son corps indemne, le corps noyau. Quand l’artiste recouvre de cuir des objets ordinaires tels une lampe, un lavabo ou encore des chaussures, elle opère
une transformation. Dans les objets de The Loner, le cuir devient l’écorce et compose alors un objet nouveau. Le geste taille dans la matière une nouvelle forme.
Subsiste néanmoins la familiarité de l’usage. Ici on reconnait une coiffe, un vêtement, mais ces objets nous parlent d’une culture dont nous ne connaissons pas les codes.
D’une personnalité, seuls les objets restent. Ils semblent la mue d’un corps. Ils disent et construisent un lieu. Ce lieu c’est le regard présentifié de l’artiste qui,
devenu constructeur, établit un monde transformé. La métamorphose jamais ne cristallise. Nomades, les horizons changent et avec eux la matière nouvelle.
Margot Taupin