Cyril Massimeli

Depuis plusieurs années je travaille à une série de peintures généralement de grands formats. Le thème, qui est décliné dans chaque nouvelle toile, décrit une société hédoniste et insouciante, celle des nouveaux salons de la société occidentale mondialisée, les « lounges ».

Mon idée était en premier lieu de faire le parallèle, tant au niveau plastique que sémantique, entre les fêtes patriciennes de la Venise renaissante peintes par Paul Véronèse ou les fêtes galantes peintes par Antoine Watteau et leur équivalent actuel, le « lounge ». Qu’il se situe sur la terrasse d’un hôtel, sur le bord de piscine d’une villa privée, dans une discothèque ou à l’occasion d’un vernissage, il met en évidence le privilège d’une classe sociale aux goûts standardisés, qu’il est possible de retrouver partout dans le monde et qui rappelle l’oisiveté festive des anciens patriciens de la Sérénissime.

Bien que le sujet contienne une charge potentielle de fond critique et politique voir une dimension dystopique, on peut penser ici au fameux « Brave New World » d’Aldous Huxley, mon approche reste pourtant entièrement celle de la peinture, ambivalente et polysémique. Le sujet est pensé ici comme un phénomène sociétal, qui sans sortir du champ politique ni d’une certaine ironie, ne peut toutefois, de part sa complexité, être traité de façon partisane.

Dans des scènes où il semble ne rien se passer, où le temps parait figé, ce sont les aspects psychologiques et sociologiques qui prédominent et bien qu’étant regroupées,  mes figures expriment souvent le sentiment d’isolement de l’individu au sein des grandes villes, comme a pu l’exprimer en son temps, Edward Hopper.

Mes préoccupations toutefois, quand mon motif est déterminé, ne sont plus que d’ordre purement plastique et mon sujet n’est pendant l’exécution, que matière, lumières, volumes, surfaces et couleurs.

Mes toiles sont travaillées par plusieurs couches de matière, jusqu’à obtenir la profondeur et l’unité des tons et des volumes. C’est pourquoi, parfois j’aimerais que mes peintures soient regardées comme de la peinture abstraite, tant j’accorde d’importance à cette partie de mon travail.

Mes scènes s’inspirent tout à la fois de notes prises dans mes carnets de croquis, de mes souvenirs aussi bien réels que cinématographiques et de mon admiration pour la peintures des maîtres du passé. Ainsi la série des « Lounges » dans ce que l’on pourrait appeler son « meta-niveau » contient un grand nombre de citations d’œuvres de l’histoire de l’art, souvent volontaires, parfois involontaires. Elle est dès lors, une forme hybride, qui ni par la forme, ni par son sujet, ne peut être classée dans ce qu’on appelle la peinture de genre.

Une fois mon idée établie, je travaille la composition avec plusieurs esquisses dessinées. Celle-ci est ensuite reportée sur la toile, par une mise au carreau, une projection ou simplement à main levée.

Mes toiles sont toutes peintes à huile avec des procédés qui sont le fruit de longues années de recherches sur les techniques anciennes. Depuis le châssis sur lequel est tendue la toile, jusqu’à la dernière couche de vernis, j’ai développé mes méthodes après avoir fait de nombreux recoupements d’après mes expériences ou d’après les traités anciens et modernes. Je continue ces recherches encore aujourd’hui parfois au cour d’échanges avec des restaurateurs ou des historiens d’art.

Cyril Massimeli, Ritual, 150×300 cm, 2020