Savina Topurska

En 1989, les tremblements d’un mur qui s’effondre font tressaillir l’Europe. A l’Est, une utopie vient de tomber. Moi, je n’étais pas encore née. 

Dans mon pays d’origine, je fais partie de la première génération qui n’a pas vécu sous le régime communiste. 

Quand je demande pourquoi la vie est si instable, les Bulgares répondent que nous sommes dans une période de transition. 

Le communisme aura été la période d’une forme de société égalitaire et partagée, et une période de grande promiscuité. La chute du communisme et l’apparition du capitalisme amènent une violence et des inégalités qui effacent pour beaucoup l’espoir d’une vie meilleure. 

Durant ces années vacillantes, j’ai du apprendre à vivre avec ma soeur Marina. Elle a été diagnostiquée et reconnue autiste à l’âge de 17 ans. 

En constatant l’absence d’une direction politique et l’existence d’un véritable système médico-social ou simplement social, ma famille, comme beaucoup d’autres, a recherché l’espérance dans la religion. 

Durant 5 ans, j’ai vécu à mi-temps avec ma famille dans un monastère perché en haut d’une montagne, à attendre que ma soeur soit soignée, en alternance – une semaine sur deux – avec le lycée d’arts plastiques de Sofia. 

La vie s’écoulait, sans aucune explication, sous la forme d’une série d’épreuves, de punitions et de miracles. 

En 2007, de nouvelles portes s’ouvrent en Bulgarie : L’Union Européenne accepte de partager son espace de libre-échange avec nous. Un nouveau souffle gagne le pays, un nouvel idéal prend place. L’Europe stabilise l’économie, l’Europe aménage des parcs flambant neufs, l’Europe nous permet de voyager, l’Europe apporte la sécurité. 

L’Union Européenne rayonne bien au-delà des frontières de la Bulgarie. Elle est à l’origine de nombreux événements politiques, économiques et sociologiques qui marquent notre actualité. 

Je parle donc aussi bien en tant que citoyenne Bulgare que résidente française et citoyenne européenne. 

Mon travail tend à témoigner de ces événements. Plus qu’un acte mémoriel, c’est l’idée d’analyser certains aspects de la réalité qui m’anime, notamment l’impact d’une idéologie et d’un système politique sur l’existence des individus et leur vie privée. Et particulièrement comment ces systèmes totalitaires parviennent à éradiquer toute altérité ou “a-normalité”. Ce besoin de raconter, je l’ai vu grandir de voyage en voyage, de découverte en découverte. 

C’est à travers différentes techniques (vidéo, photographie, dessin, poèsie …) que j’ai choisi d’aborder les pans d’une histoire qui n’a de cesse de s’écrire.