Samuel Labadie
L’Exposition la nuit
« Le projet L’Exposition la nuit est le fruit de mes deux mois de résidence aux Ateliers Vivegnis International en juin et juillet 2014. La série de pièces s’articule autour de l’histoire industrielle du bassin liégeois depuis son essor jusqu’au déclin amorcé après guerre. Le point de départ du projet est l’Exposition universelle de 1905, au cours de laquelle la ville de Liège mit en valeur sa puissance industrielle en construisant le récit idéologique d’une cité idéale où le progrès serait la condition nécessaire à la prospérité. En mêlant L’Histoire, l’Art et l’industrie, l’Exposition universelle posait les fondations d’une vision moderniste de notre société, sans en prévoir sa faillite. J’ai été porté par cette histoire tout au long de mon séjour à Liège sans toutefois en privilégier une vision documentaire. L’Exposition universelle est ici comme le vestige d’une époque lointaine ayant laissée place à un contexte économique beaucoup plus dur. J’adapte ici mon travail aux recherches photographiques et documentaires réalisées à Liège et dans sa périphérie (Herstal, Seraing, Cheratte, Oupeye et Jemeppe.) Il s’agit donc d’abord d’une vision personnelle et intuitive, mêlant mon expérience du territoire, le hasard et la marche. Le dessin HASARD suggère ainsi cette idée tout en reprenant réellement un élément architectural du patrimoine industriel : le portique métallique de la Compagnie du Hasard à Cheratte et le dessin multipliant la forme du sous-bock Jupiler est né lors d’un après-midi orageux à Herstal. Le travail de sculpture s’organise quant à lui autour de matériaux simples (le bois OSB, le béton) typiques d’une esthétique post-industrielle. Le bois OSB, agglomérat de gros copeaux de bois, est un matériau économique qui sert notamment à recouvrir les vitrines des habitats et commerces abandonnés. La Meuse, le fleuve emblématique de Liège et guide de l’implantation industrielle est résumée ironiquement par les couleurs CMJN qui reprennent le calibrage de la quadrichromie visible en bas de page du quotidien La Meuse. Le paravent présent dans l’installation sert de trait d’union. Il est une réplique d’un riche paravent créé par l’ébéniste Liégeois Gustave Serrurier Bovy (1858-1910). Celui-ci présenta ses créations au cours de l’Exposition universelle de 1905. La copie ici exposée n’en propose qu’une vision expurgée de toute richesse, où les faits divers du quotidien La Meuse et le bois OSB remplacent les luxueux matériaux d’origine. Enfin, je présente une version du Livre d’or de l’exposition universelle de 1905 où n’a été retenu que les pages laissées en blanc dans la mise en page ainsi que les titres des grandes sections du livre. La dimension spectaculaire de l’exposition a disparu. Le titre de ce projet est tiré d’une illustration de ce livre. Elle montre une vue nocturne, sous un ciel étoilée, de l’ancienne citée médiévale liégeoise reproduite alors pour l’exposition. Un décor idéal mais détruit à la fin de l’Exposition. »
Samuel Labadie, septembre 2014