Laurianne Bixhain

Ma pratique gravite autour de notre relation aux objets techniques – sortes d’intermédiaires entre nous-mêmes et notre environnement – avec pour ligne de fuite les notions de mobilité et d’ubiquité. Le médium écran, par exemple, se soustrait à toute caractérisation univoque, il « n’a plus de forme nette, ses contours s’estompent à mesure que se diversifient ses usages. Il est excessif : non seulement omniprésent, surabondant, mais hétérogène dans ses formes et ses formats1 ». Admettons que ces objets soient capables d’intégrer notre environnement de manière à devenir ambiants, atmosphériques. Considérons l’écran comme un milieu que nous habitons, « une enveloppe continue, un voile déformable à volonté2 ». Par la photographie, inscrire les surfaces et les matières perçues dans le milieu que j’habite. Par le montage ouvert – l’orchestration de détails – consteller des atmosphères parcellaires, à la fois opaques et surfaces de projection. Au moment d’une vue à distance de ces ensembles hétérogènes, se tissent un réseau de matières, des formes de correspondances. Mes photographies sont à la fois référentielles – le milieu duquel elles émergent est énoncé et son énonciation soulève certaines problématiques – et artificielles, au moyen d’un certain cadrage et de l’isolement d’un détail. Elles semblent jouir d’une existence propre. L’aspect artificiel est soutenu par le choix du support, qui donne corps et autonomie aux photographies et participe conjointement à l’élaboration du sujet.

1Élie During, « Quand l’écran fait image », inJacinto Lageira et Mathilde Roman, Corps et images. 
Œuvres, dispositifs et écrans contemporains, Sesto San Giovanni, Les Éditions Mimésis, p. 115

2Ibid, p. 121

On the Other End, 2018, tirage argentique sur papier baryté, 100 × 150 cm Les Rencontres de la photographie d’Arles, France