Selçuk Mutlu

« L’artiste et poète d’origine turque Selçuk Mutlu (1975) vit et travaille à Liège.

Celui-ci a un jour été qualifié de « dandy inquiet », ce qui lui va plutôt bien. Aujourd’hui, le concept de « dandy » est devenu relativement inhabituel, on a d’ailleurs tendance à le confondre avec « snob ». Pourtant, l’un des critères du dandysme consiste précisément à pouvoir relativiser son propre moi. L’ironie est au cœur de cette notion. L’inquiétude de Mutlu n’est pas d’ordre paranoïaque, mais se situe plutôt dans un pessimisme obstiné et se traduit par une quête constante des moyens d’expression les plus efficaces : exécutions rapides et spontanées, ellipses et répétitions formelles, dessins, peintures, vidéos, installations, performances éphémères, poésies écrites ou proférées. (…)

Dans son travail, l’artiste analyse en profondeur sa propre identité qu’il cherche, selon ses dires, « à travers un autre filtre que celui de la peur ». Thanatos, qui joue un rôle crucial dans sa pensée, sa vie et son travail, a attisé sa fascination pour Éros : une composante pornographique affirmée apparaît régulièrement dans ses dessins à l’encre ou réalisés avec son propre sperme. De même que dans ces actions où il porte un masque masochiste.

Séduction et châtiment, victoire et défaite, provocation et souffrance, privé et public : dans le labyrinthe du travail de Mutlu, il faut sans cesse réaffirmer son choix, dont, pourtant, chaque élément est inextricablement mêlé à son contraire. »

Sara Weyns, directrice du Middelheimmuseum, Anvers.

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« Ma résidence sera une ode au trouble, une lente fabrique d’actions lancées allègrement au regard des incrédules, avec l’aide de quelques rares amis qui m’ont supporté sans jamais trahir le nonchalant mais flagrant cours d’eau de l’évidence. Elle sera un vase clos ouvert sur un monde infiniment sincère, énervé jusqu’à la venue de l’excrément des torves dont les visages, ainsi découverts, s’embrasseront sans masque. Que ceux qui se reconnaissent soient certains que c’est bien d’eux qu’il s’agit ici.

De la pipette du compte-goutte sortira non pas le vif-argent mais du plomb lourd et gris comme la pierre de l’hypocrisie. Mon objectif initial sera transformé faute de temps et de moyen, chacun le sait. Mais le mimosa qui le remplacera sentira aussi bon que le découragement furibond de l’homme des bois ! Il exhalera le parfum univoque de l’enfant qui a compris que l’injustice l’avait encerclé et qui, pour sauver son honneur et refuser la puanteur qui l’entoure, tend ses petits bras fins vers l’azur qui l’aspire et le soulage du traquenard tendu, petit martinet noir, léger comme la mort.

Mon projet n’est pas une ébauche vulgaire dont je reconnais tous les ressorts, c’est ce qu’il me plaira de vivre qu’il me faudra accomplir en gardant présente cette image constamment à l’esprit que mon sang est le même que celui de la légère libellule en laquelle j’identifie ma fureur.

“Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience.” René Char »

Selçuk Mutlu, juillet 2015.

« Avant de parler, il a tiré quelques coups de pistolet puis a débité, tantôt riant, tantôt sérieux, les plus énormes insanités contre l’art et la vie »,  23,3 x 31,7 x 1,8 cm (2008), cahier, peinture dorée, sperme (Cahier dont chaque page est imprégnée d’une couche ou deux de sperme).